Par: Rachel Mills, Directrice de la facilitation indépendante

On veut ainsi encourager les législateurs à adopter ces suggestions, et ce, pour protéger adéquatement des personnes ayant un handicap et d’autres personnes potentiellement vulnérables dans notre société, tout en leur accordant un choix réel et la dignité dans la prise de décision.
En févier 2015, la Cour suprême du Canada a rendu un jugement d’une importance capitale, à savoir que les Canadiens ont droit à l’aide médicale à mourir. L’Association du Nouveau-Brunswickpour l’intégration communautaire et son pendant national, l’Association canadienne pour l’intégration communautaire (ACIC), se sont engagés à fond dans le dossier, dans l’espoir que les lois qui seront adoptées relativement à l’aide médicale à mourir tiennent compte des besoins des personnes ayant un handicap intellectuel et de leurs familles.
Que dit la Cour suprême dans son jugement, ou que ne dit-elle pas?
Le jugement de la Cour suprême établit que l’aide médicale à mourir sera légale pour « une personne adulte capable qui 1) consent clairement à mettre fin à ses jours ; et qui 2) est affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables (y compris une affection, une maladie ou un handicap) lui causant des souffrances persistantes qui lui sont intolérables.
Le jugement ne dit pas qu’il doit y avoir présence d’une maladie terminale. Il n’explique pas ce qu’on considère comme des « problèmes de santé graves et irrémédiables ». Puisque la décision de la Cour suprême est large, il revient désormais aux gouvernements provinciaux et au gouvernement fédéral du Canada de légiférer l’aide médicale à mourir, en précisant qui répond aux conditions et le processus d’approbation. Le gouvernement s’est d’abord vu accorder une année à compter de la date du jugement pour adopter des mesures législatives. Le gouvernement fédéral a demandé une prolongation de six mois pour lui permettre d’établir des lois et des politiques. La Cour suprême examine la demande.
Pourquoi une perspective portant sur les personnes ayant un handicap est-elle importante?
L’aide médicale à mourir est un sujet qui touche tous les Canadiens. Toutefois, pour beaucoup de Canadiens ayant un handicap et leurs familles, le sujet suscite de nombreuses questions et préoccupations. Traditionnellement, les personnes ayant des handicaps ont été dévaluées par la société. En conséquence de limites ou d’un besoin de soutien additionnel, elles n’ont pas été perçues comme ayant une importance et une valeur égales à celles des autres citoyens. De plus, elles vivent souvent dans la pauvreté, rencontrent des obstacles à accès aux soins de santé ou aux mesures de soutien pour personnes ayant un handicap, et courent un risque accru de subir de mauvais traitements.
En explorant la question de l’aide médicale à mourir, on constate un équilibre délicat entre la protection du droit et de la dignité des personnes qui souhaitent faire ce choix et la protection des personnes qui peuvent être vulnérables dans notre société.
En explorant la question de l’aide médicale à mourir, on constate un équilibre délicat entre la protection du droit et de la dignité des personnes qui souhaitent faire ce choix et la protection des personnes qui peuvent être vulnérables dans notre société. Pour assurer un choix réel à tous les Canadiens, il faut examiner les facteurs susmentionnés, à savoir la dévaluation, la pauvreté, l’accès aux mesures de soutien et aux services, et la sécurité. Pour les personnes ayant une maladie terminale, l’accès à des soins de fin de vie appropriés est également primordial. Si ces facteurs ne sont pas pris en compte, les personnes ayant un handicap risquent de choisir l’aide médicale à mourir dans des situations qui pourraient être évitées. Dans son jugement de 2015, la Cour suprême a clairement reconnu qu’il y a des risques associés à la légalisation de l’aide médicale à mourir et « qu’un système de garanties soigneusement conçu et surveillé peut limiter les risques associés à l’aide médicale à mourir ».
Que fait l’ANBIC relativement à l’aide médicale à mourir?
L’ANBIC a établi des partenariats avec les organismes d’intégration communautaire de partout au pays pour que les voix des personnes ayant un handicap intellectuel et leurs familles soient représentées dans les discussions à l’échelle nationale sur l’aide médicale à mourir. L’ANBIC a été l’un des différents organismes qui se sont associés à l’Association canadienne pour l’intégration communautaire afin d’élaborer un document proposant des éléments de base en vue d’une régulation de l’aide médicale à mourir au Canada. On veut ainsi encourager les législateurs à adopter ces suggestions, et ce, pour protéger adéquatement des personnes ayant un handicap et d’autres personnes potentiellement vulnérables dans notre société, tout en leur accordant un choix réel et la dignité dans la prise de décision. Voici quelques-unes des principales recommandations :
• Évaluer la vulnérabilité et assurer un consentement éclairé
Le système relatif à l’aide médicale à mourir doit comprendre des moyens d’évaluer la vulnérabilité à titre de facteur important dans la capacité de choisir en toute indépendance. Cette évaluation devrait prendre en compte des facteurs comme la pauvreté, le manque de soins et de soutien nécessaires, l’isolement social, les mauvais traitements, le sentiment d’être un fardeau pour les autres et l’encouragement des autres de choisir l’aide médicale à mourir. Lorsque ces facteurs sont présents, l’aide médicale à mourir ne devrait pas être la première option, même quand elle est réclamée. Dans le cadre du processus du consentement éclairé, on devrait explorer d’autres options, ainsi que des possibilités de vérifier si la personne ne subit pas de pression pour prendre une décision. Un évaluateur qualifié devrait être chargé d’aider les personnes à explorer des solutions de remplacement et des options. En raison de la nature de la décision, les personnes qui envisagent de recourir à l’aide médicale à mourir devraient être en mesure de prendre des décisions juridiques en toute indépendance.
• Examen avancé de l’indépendance et autorisation
Dans le cadre d’un système de protection vigoureux, les décisions de permettre l’aide médicale à mourir devraient être révisées et approuvées par un groupe ou un comité indépendant avant la mise en œuvre de la procédure. Les médecins devraient être chargés de déterminer si une personne a la capacité de prendre ses propres décisions (et si la personne a des problèmes de santé « graves et irrémédiables » qui causent des souffrances intolérables), et à l’aide d’un évaluateur qualifié, déterminer s’il y a des signes que la personne est vulnérable ou qu’elle subit de la pression pour choisir l’aide médicale à mourir. Le comité indépendant devrait passer en revue l’information fournie par le médecin et l’évaluateur qualifié pour s’assurer que la personne réponde aux critères pour accéder à l’aide médicale à mourir et que des mesures appropriées ont été prises pour protéger les citoyens vulnérables et que les solutions de remplacement ont été explorées. L’information et les statistiques sur l’aide médicale à mourir devraient être rapportées et surveillées pour veiller à ce que le système offre des mesures de protection appropriées tout en garantissant un choix réel et la dignité.
• Investissement dans les soins palliatifs et les mesures de soutien communautaire
L’introduction de l’aide médicale à mourir ne doit pas remplacer l’accès approprié à des services de soins palliatifs ou à des mesures de soutien aux personnes ayant un handicap. Avec le vieillissement de la population canadienne, un nombre croissant de citoyens auront besoin d’accéder à ses services et mesures de soutien. Les gouvernements doivent prendre la décision stratégique et financière d’investir dans ces mesures de soutien, et ce, pour assurer aux Canadiens et Canadiennes un choix véritable.
De plus, l’ANBIC continue de rencontrer les principaux intervenants pour faire valoir sa préoccupation de veiller à ce que le système canadien encadrant l’aide médicale à mourir prévoie des mesures de protection appropriées.
Les personnes et les familles qui veulent se renseigner sur les mesures de protection recommandées que l’ANBIC et l’ACIC appuient sont invitées à consulter le lien << La Norme sur la protection des personnes vulnérables >> http://www.vps-npv.ca/french/
Pour se joindre à la conversation sur l’aide médicale à mourir et la nécessité de mesures de protection appropriées, les personnes et les familles sont encouragées à communiquer avec leur député fédéral ou leur député provincial.